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J'aurais bien aimé être une fille comique...
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25 juin 2011

Une place au soleil

BP67Les trajets de retour en voiture sont propices aux réflexions nostalgiques. Bercés par le ronron du moteur, légèrement enivrés par les quelques verres de vin absorbés, les esprits s'émancipent et font fleurir dans l'habitacle des pensées diversement colorées. Hier soir, pelotonnée dans le siège du passager, j'écoutais silencieusement Un samedi soir sur la terre de Cabrel. J'aime me laisser conduire, j'aime être dans la voiture de D., écouter la sélection de chansons de sa clé USB, être dans cet endroit clos et protégé qui a vu naître nos premières conversations et nos timides confessions. Comme je ne disais rien, le regard perdu quelque part dans la nuit noire, D. me demanda si je boudais. Les femmes silencieuses sont dangereuses : elles pensent. Elles remettent leur vie en question, elles prennent des décisions. Normal que les hommes s'inquiètent de nous voir réfléchir. Mais non, en l'occurrence, je ne boudais pas. Je méditais.

Every morning, I ask myself three questions : Where do you come from? Where are you? Where were you supposed to be? And every morning, I find myself a fool.

La vie ne tourne pas toujours comme on l'avait espéré : nos choix nous mènent là où ne s'attendait pas à échouer. Vous êtes-vous déjà retrouvé face à une personne qui vous faisait comprendre que vous n'étiez pas à la bonne place? Que vous aviez, d'une quelconque façon, usurpé celle de quelqu'un d'autre, que vous étiez en train de vous tromper lamentablement? Les gens vous ont-ils déjà fait comprendre que vous les déceviez? Il existe un décalage incommensurable entre ce que nous sommes aux yeux des autres et ce que nous voulons être. A qui donner raison?

Il serait bien trop facile de vous dire que la vérité se trouve là où l'on se sent heureux. En vérité, nombre d'entre nous cherchent encore la définition de leur bonheur : comment savoir alors si le chemin que nous sommes en train de tracer est le bon?

Hier soir, j'ai réfléchi à ce que j'attendais de la vie ou plutôt, à ce que je voulais en faire. Devenir maman et me laisser absorber par mes enfants, disparaître pour eux, m'effacer pour les laisser s'épanouir? Mener une petite carrière paisible et abandonner mes rêves d'écriture, de partage littéraire et de création? Me satisfaire de ce que j'ai déjà et ne pas trouver le courage de lâcher la proie pour l'ombre? Nous sommes si fragiles, nos âmes sont si friables. Si vite balayées par un trait d'humour un peu machiste, si vite menacés par les prémices d'un mouvement féministe. A quoi bon? A quoi bon écrire une thèse de doctorat sur les livres de cuisine? A quoi bon faire un enfant qui vous échappera? A quoi bon vouloir plaire quand on arrivera jamais à la cheville de Monica Bellucci?

A quoi bon s'acharner?

J'y ai pensé. Et je crois avoir trouvé.

Lorsqu'un petit garçon se réveille d'une sieste tourmentée, c'est le mot maman qu'il dit instinctivement. Lorsque, en pleurs, il cherche un réconfort chaleureux, c'est vers elle qu'il tend ses petits bras. A 25 ans, on peut encore s'effondrer comme une loque et sangloter en murmurant ces deux syllabes sacrées : ma-man. Bien avant la mère, c'est son idée qui la précède, qui rassure.

On n'écrit pas une thèse pour le plaisir masochiste de vivre quatre ans dans l'expectative : on écrit pour qu'un jour, notre patronyme ressorte, qu'il soit cité, commenté, critiqué. On écrit pour vivre au travers de ses idées, pour transmettre un savoir, si peu utile soit-il. En règle général, on travaille pour se rendre utile, pour (r)assurer les autres de notre présence, pour les aider à vivre bien, à vivre heureux.

Et en fait, je me fous royalement d'être celle qui, chaque soir, partage le souper de D. Cela ne me suffit pas d'être celle à côté de qui il se brosse les dents le matin, d'être la fille qui l'accompagne dans ses sorties depuis deux ans et demi. Je veux être celle à laquelle il pense en s'endormant, celle qui lui manque, celle qu'il rêve d'emmener loin, celle avec qui il veut faire des projets. En amour comme dans tous les autres domaines de la vie, peu importe que nous soyons de chair et de sang : nous voulons être désincarnés, transcendés.

L'essence de l'être humain réside dans sa capacité à être fantasmé, rêvé, espéré. Nous sommes indispensables au monde lorsque nous devenons des souvenirs pour les gens qui nous entourent. Finalement, c'est l'ensemble de l'idée d'un être, des attentions qu'on lui porte, de l'impression qu'il laisse qui le définit ; ce qui restera lorsqu'il disparaîtra. En substance, être à sa place, c'est se sentir aimé.

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Commentaires
D
Belles réflexions!Trop d'altruisme pour certains, trop d'égoïsme pour d'autres peuvent détruire un être : il faut y prendre garde et ne jamais oublier qu'à l'intérieur de nous, nous savons très bien qui nous sommes et ce que nous voulons! Restons des femmes fortes... et aimantes!
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