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J'aurais bien aimé être une fille comique...
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23 juin 2011

De la thèse de doctorat

readingEcrire une thèse de doctorat n’a jamais fait partie de mes plans. A vrai dire, cela ne fait jamais partie du plan de personne. D’ailleurs, on ne choisit pas de faire une thèse : on vous choisit pour en faire une. Nuance. Comme dirait ma copine Simone : on ne naît pas thésarde, on le devient. Un jour, après avoir longtemps observé ses étudiants, après les avoir jaugés, testés, évalués, un professeur Lambda lève sa main toute puissante et la pose sur l’épaule de l’un d’eux : peut-être pas le plus intelligent ou la plus brillante, mais celui ou celle qui, un jour, a relevé la tête au moment où il fallait, a posé une question inattendue, a lancé une hypothèse novatrice et impertinente. Le choix du professeur s’arrête sur celui qui, parmi tous ces jeunes universitaires, semble le moins orthodoxe, le moins prévisible.

Dès l’instant où l’on vous fait la proposition, vous vous sentez comme touché par la grâce : assis dans un bureau encombré de livres, de dossiers, placardé d’affiches de manifestations culturelles, une fenêtre donnant sur le campus où vous venez de passer les cinq plus belles années de votre vie, un professeur vous assure de son soutien et de sa confiance. Comment refuser alors ? Vous vous sentez soudain chargé d’une responsabilité, sinon divine, en tout cas sacrée et, comme un chevalier au temps des Croisades, vous acceptez cette mission. Vous acceptez que l’on parie votre propre valeur.

Car faire une thèse, c’est être le jouet d’un pari. Cap ou pas cap ?

-        -  Passer quatre années de sa vie sur l’équivalent de trois mémoires réunis (alors qu’à l’époque, le simple mot mémoire vous filait une crise d’acné et de violentes envies de meurtre).

-         - Travailler sans filet, sans horaires, sans norme rassurante : être son propre chef est à la fois le plus grand luxe et la pire chose qui soit.

-         - Accepter d’être un ovni social, une espèce surprotégée, un humain en sursis coincé entre un statut d’étudiant et le monde du travail.

-         - Absorber les remarques dénigrantes de ceux qui pensent que vous ne faites rien de vos journées ; qui n’ont pas compris que faire une thèse 24h sur 24, ce n’est pas possible ; qui n’ont pas non plus saisi que les idées de génie germent le plus souvent quand vous conduisez, quand vous faites la vaisselle, quand vous prenez une douche et pas quand vous restez enfermé dans votre bureau.

-         - Connaître le syndrome de la page et des nuits blanches ; avoir l’impression de devoir écrire 300 pages sur un sujet déjà connu, dont personne n’a rien à faire et qui ne changera pas la face du monde.

-         - N’avoir aucune certitude sur ce qui se passera après la soutenance de votre thèse : avancer sans savoir si l’Université vous gardera ou si elle vous jettera sauvagement hors de ses murs.

-        -  Donner à l’Université ce que vous n’étiez pas prêt à lui donner, en particulier votre vie privée, au risque de mettre de côté et de perdre ce que vous aviez de plus cher au monde.

On a observé qu’un doctorant traverse différentes phases psychologiques au cours de son mandat, notamment un moment de découragement qui est suivi soit de l’abandon de l’objectif, soit d’une reprise en main confiante aboutissant à la réalisation effective de la thèse. Car si l’on peut vouloir arrêter ses recherches doctorales pour l’une des sept raisons exprimées plus haut, on peut aussi vouloir continuer, voire même aimer passionnément sa thèse de doctorat pour les sept raisons suivantes :

-         - Etre payé pour dire ce que l’on pense, pour faire part de ses idées ; en règle générale, être payé parce qu’on a un cerveau (en tant que femme, je tiens à souligner ce point).

-         - Travailler pour un patron qui endosse souvent le rôle de mentor, de guide, de père ou de mère, de référence, de conseiller, d’appui psychologique. Avoir comme chef un humain qui vous ouvre à de nouveaux horizons et apprend à vous les faire apprécier.

-         - Avoir la possibilité de voyager, de rencontrer de nouvelles cultures et des tas de gens, aussi différents qu’intéressants.

-         - Travailler sur un sujet qui nous plaît, qu’on a choisi : se donner la peine de le défendre bec et ongles, de s’en faire le chantre passionné.

-         - Grandir au sein d’une équipe soudée et complice, entouré de personnes qui nous ressemblent, par leurs intérêts et leur personnalités.

-         - N’être pas seulement doctorant par le fait d’écrire une thèse, mais par l’attitude à adopter face au monde : avoir soif de découvertes et de nouveaux savoirs, quels qu’ils soient.

-        -  Avoir la chance inouïe d’être l’objet d’un pari.

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Commentaires
D
Superbement écrit et belle analyse!
P
j'adore ta prose!
S
Merci, Maryse. C'est réconfortant et j'ai trouvé quelques raisons dans ta liste qui me motivent (au moins pour la journée) ;-)<br /> Bises!
B
J'adore! Moi je parie que tu réussiras haut la main! Et si les paris sportifs pouvaient être aussi sûrs que celui-ci, je m'y mettrais directement et je serais très vite milliardaire... Tu n'as pas envie de te mettre à la course de chevaux?
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